Plein l’endo

Bienvenue dans ce nouveau numéro du Point Q !

Un petit bijou qui te plonge dans l’univers du sexe et démystifie l’inconnue nommée « plaisir ». Tous les lundis, on débusque ensemble des fake news, on parle santé sexuelle, culture érotique, sexualité queer. On échange sur les nouvelles manières de faire l’amour en 2021.

Cette semaine, on parle d’une maladie qui touche 40 % des femmes qui ont des règles douloureuses : l’endométriose. Elle apparaît lorsque des fragments de tissu qui protègent l’utérus (la muqueuse utérine) migrent et se greffent sur des organes voisins, comme les ovaires ou l’intestin. Sous l’effet des hormones, les cellules de la muqueuse se multiplient, saignent pendant les menstruations et provoquent des lésions, à l’origine de douleurs. Rien de mieux qu’un petit schéma, comme celui-ci de l’ARS Hauts-de-France, pour comprendre :

À mesure que les langues se délient sur les douleurs menstruelles, on commence à parler de cette maladie. Tant mieux car plus elle est diagnostiquée tôt, mieux on la soulage. On a enquêté pour vous et on vous transmet l’essentiel à savoir sur ce fléau des bas-ventres.

Dans les témoignages, Thaïs a interrogé trois jeunes femmes en couple sur leur quotidien avec de l’endométriose. Julien poursuit avec le Vu d’ailleurs : cette semaine, il a posé sa montgolfière en Écosse, pour y rencontrer des chercheurs·ses sur la piste d’un traitement miracle. Et oui, on ne guérit pas de l’endométriose aujourd’hui. C’est l’une des trois idées reçues que Tom débunke, grâce à l’expertise de Céline Vendé, sexologue et spécialiste de l’endométriose. On essaye toujours de vous laisser avec une solution, et cette semaine Orianne et Valentin sont vos anges-gardiens. Dans la bonne nouvelle, ils explorent toutes les pistes qui existent pour soulager les douleurs liées à l’endométriose : huiles essentielles et lubrifiant au CBD notamment.

Enfin, Morgan et sa plume délicate rendent hommage en BD à… la bouillotte.

À celles qui ont accepté de témoigner et à toutes nos lectrices atteintes d’endométriose, cette newsletter vous est dédiée.

L’équipe du Point Q.

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« J’ai l’impression d’être victime de mon corps »

Par Thaïs

Manon (23 ans), Julia (25) et Morgane (27) sont hétérosexuelles et en couple, et toutes concernées par l’endométriose.

Dans leurs échanges avec Le Point Q, toutes les trois ont insisté sur le fait que chaque endométriose peut-être vécue différemment, au niveau des symptômes et du ressenti.

Comment as-tu appris que tu avais l’endométriose ?

Manon : « L’année dernière, pour la première fois, j’ai eu mal pendant un rapport. C’était une grosse douleur, comme deux coups de couteau, qui ne passait pas. C’était une première alors que je suis avec mon copain depuis 4 ans. Comme on était confiné, j’avais le temps de penser à moi, et après des saignements anormaux, j’ai fait une batterie de tests dont une échographie. La gynécologue, en visio, m’a confirmé que j’avais bien de l’endométriose. D’avoir été diagnostiquée, de mettre un mot dessus, ça m’a beaucoup soulagée, je me suis dit que je n’étais pas folle quoi. Avant le diagnostic les gens ne te comprennent pas, on pense que tu exagères, pour louper les cours de sport au collège par exemple. »

Julia : « Je l’ai su assez tôt, car j’ai eu mal dès mes premiers rapports. À 19 ans ma gynécologue m’a fait faire une échographie et j’étais diagnostiquée. De mon côté, ça se manifeste par une vive douleur à l’ovaire gauche, comme un point de côté, et ça durait parfois même une semaine après le rapport. Avant de savoir, j’avais toujours super peur, je croyais être enceinte ou que j’avais des MST, je faisais vraiment tous les tests possibles. »

Morgane : « J’ai toujours eu de très fortes douleurs quand j’avais mes règles, mais bon on entend toujours le fameux “c’est normal”, “toutes les filles ont mal”, donc je ne me suis pas posé trop de questions. Jusqu’au moment où ça a commencé à plus m’handicaper, au point de faire des malaises vagaux pendant mes règles. Pour l’instant, j’ai eu plusieurs diagnostics à l’oral, mais je dois encore faire une IRM du bassin. Si j’appréhende un peu, j’ai hâte de pouvoir réellement avoir une réponse. Comme si ça me donnait une “légitimité à avoir mal” face à toutes ces contraintes sociales, comme au travail, où on te fait sentir que tu “en fais des caisses”. Même si sans cette maladie, on peut aussi avoir des règles très douloureuses sans avoir à se justifier. »

Comment cette maladie affecte ton rapport à ton corps et à ta sexualité ?

Manon : « Moi, comme j’ai été diagnostiquée après un rapport sexuel douloureux, j’ai cette association entre les deux en tête, même si je n’ai plus eu cette douleur pendant un rapport. Donc, parfois je vais être moins épanouie, et je pense que ça va prendre du temps avant de penser à autre chose. Mais heureusement mon partenaire est vraiment à l’écoute. »

Julia : « J’ai l’impression que je ne contrôle rien, que je suis victime de mon corps. Par exemple quand je suis de bonne humeur en soirée et que d’un coup j’ai mes règles, c’est fini : j’ai vraiment l’impression de me faire manipuler par mon propre corps. Et surtout de ne pas me faire comprendre par les autres, les gens vont se dire que “je fais des caprices”. Même si la maladie commence à être connue, elle ne l’est pas encore de façon tout à fait légitime.

Jusqu’à ce qu’on me diagnostique je n’avais aucun plaisir sexuellement. Et je pensais que c’était de ma faute, que c’était moi qui étais mal à l’aise. Aujourd’hui, je n’ai plus mal parce que j’ai un traitement, qui pour moi prend la forme d’une pilule en continu. Mon partenaire est compréhensif. Mais les mecs que je fréquentais avant, je ne leur en parlais pas : je n’allais pas leur dire que je ne kiffais pas avec eux quoi. »

Morgane : « Je n’ai jamais eu de douleur associée à la maladie pendant un rapport. Mais j’ai tous ces syndromes post-menstruels très fort : jambes fragiles, gonflements, et surtout une fatigue constante. À chaque période de règles, c’est comme si une machine énorme se mettait en route pour m’épuiser. C’est plutôt handicapant à ce niveau-là, mais mon partenaire est très attentif. J’ai d’ailleurs mis du temps avant d’en faire une question de couple, je ne le vivais que pour moi. »

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Vu d’ailleurs

Par Julien

L’endométriose bientôt vaincue par les Écossais·e·s ?

Dichloroacétate : derrière ces six syllabes obscures se cache peut-être une révolution pour les personnes atteintes d’endométriose. C’est ce qu’ont découvert en 2019 des chercheurs·ses de l’université d’Édimbourg. Une piste toujours suivie aujourd’hui.

Employée pour traiter certaines pathologies, notamment chez les enfants, cette molécule permet de réduire le taux d’acide lactique (ou lactate) dans l’organisme — vous savez, la substance qui provoque les fameux points de côté !

Et c’est là tout son intérêt, car l’organisme des femmes atteintes d’endométriose en produirait des quantités plus importantes que la normale. D’après cette étude écossaise menée sur des souris, le composé chimique régulerait le niveau de lactate et stopperait la croissance des lésions d’endométriose.

30 femmes ont depuis pris part à un essai clinique de 12 semaines à Édimbourg. Et les résultats sont encourageants, a révélé la BBC le mois dernier. Une Britannique de 24 ans du nom de Jessica Rafferty, atteinte d’endométriose, a vu ses symptômes diminuer significativement. « Ça a vraiment changé ma vie jusqu’à maintenant, après que tant de traitements, de médicaments et d’opérations n’aient rien donné », a-t-elle affirmé à la BBC.

Pour le professeur Andrew Horne à la tête des travaux de recherche, le dichloroacétate représenterait une « approche très différente » et nouvelle puisque cette molécule n’agit pas au niveau hormonal, contrairement aux seules options aujourd’hui offertes aux personnes atteintes d’endométriose, en plus des opérations chirurgicales et des antidouleurs.

L’équipe de chercheurs·ses espère maintenant obtenir des financements pour prolonger ses travaux en conduisant une étude sur 400 volontaires.

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On débunke !

Par Tom

3 idées reçues sur l’endométriose

L’endométriose touche une femme sur dix en France, mais cette maladie est encore très peu connue et de nombreuses idées reçues circulent à son sujet. On démêle le vrai du faux avec Céline Vendé (@sexologue_therapeute sur Instagram).

« Il est impossible de tomber enceinte avec de l’endométriose. » — FAUX

« Moins d’une femme sur deux atteinte d’endométriose rencontre des problèmes de fertilité, explique la sexothérapeute. Cela reste l’un des principaux motifs de consultation, mais c’est loin d’être une fatalité. » Pour les femmes ayant des difficultés à concevoir, des solutions existent : il est possible de prendre des traitements hormonaux de stimulation ovarienne, ou de procéder à une FIV (fécondation in vitro).

A contrario, tomber enceinte ne permet pas de guérir de l’endométriose. « On entend parfois des gynécologues dire à leurs patientes : “Faites un bébé, ça ira mieux…” C’est faux : pendant la grossesse et la période de post-partum, les symptômes sont souvent diminués, mais une fois les hormones revenues à leur niveau normal, l’endométriose se manifeste de nouveau. » De la même façon, la ménopause ne met pas fin à la maladie non plus.

« On peut guérir de l’endométriose » — FAUX

« L’endométriose, on naît avec et on meurt avec : on n’en guérit pas. » Les traitements, qu’ils soient hormonaux, chirurgicaux ou en médecine douce (voir ci-dessous), permettent de masquer les symptômes ou d’entrer en rémission, mais pas de guérir. Pour le moment aucun traitement définitif n’existe, même si certaines recherches sont plutôt prometteuses (voir ci-dessus).

« On désigne souvent l’endométriose comme “le cancer dont on ne meurt pas” : comme pour le cancer, plus la maladie est prise en charge tôt mieux c’est. Mais les patientes ne sont pas encore toujours prises au sérieux, y compris par des gynécologues femmes : en moyenne, une femme met plus de sept ans à être diagnostiquée. »

« Il est impossible de prendre son pied avec de l’endométriose. » — FAUX

« Ce n’est pas parce qu’on a une endométriose qu’on a une sexualité pourrie ! » Certes, l’endométriose entraîne souvent une dyspareunie, c’est-à-dire des douleurs lors d’un rapport, mais celle-ci n’est pas une fatalité. Autre aspect souvent négligé : l’impact émotionnel et psychologique de la maladie sur les patientes. « À force de subir des examens gynécologiques très intrusifs, une femme atteinte d’endométriose peut se sentir déconnectée de ses parties intimes perçues comme “malades”, et développer une forme de vaginisme. »

D’où l’importance de sortir sa sexualité du schéma classique centré sur la pénétration, pour qu’une femme atteinte d’endométriose puisse retrouver une libido et jouir sans douleur (Céline t’en parlait déjà dans le numéro 8 du Point Q !)

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La bonne nouvelle

Par Valentin & Orianne

Pour soulager la douleur

Même s’il n’y a pas encore de traitement contre l’endométriose, des solutions existent pour l’atténuer et parvenir à vivre avec au quotidien. Ce qu’il est important de faire, avant toute chose, c’est de se rapprocher de médecins afin qu’un diagnostic précis soit posé (IRM, échographie…). Cette maladie chronique est très gênante et peut causer, tout au long du cycle menstruel, des douleurs abdomino-pelviennes intenses. Dans l’intimité, les rapports sexuels peuvent eux aussi être source de souffrance : c’est la dyspareunie. Mais alors que faire ?

En médecine traditionnelle, trois possibilités sont à ta portée :

Ensuite, des solutions pour traiter les symptômes de manière locale et temporaire :

Bien sûr, l’expertise d’un gynécologue, naturopathe, nutrithérapeute ou autre, n’est pas à négliger. Ce sont les premières personnes vers qui tu peux te tourner. Elles te donneront le bon diagnostic et le traitement adapté à ta situation.

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Sous la plume de Morgan


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Tu as des amies qui te parlent souvent de grosses douleurs menstruelles ? Ou quand elles sont à la selle (un symptôme encore tabou) ? Tu peux leur envoyer cette newsletter pour les mettre sur la piste d’un éventuel diagnostic. Une échographie ou une IRM, qui pourrait économiser de nombreuses années de souffrance, ça vaut le coup !

La newsletter est aussi disponible ici, sur notre site web, avec toutes les archives. D’ailleurs, il y a un mois, on parlait règles et sexualité dans la newsletter « Du rouge aux lèvres ». Si tu es plutôt fantasmes ou polyamour, tu as été gâté·e les dernières semaines.

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On espère que ce contenu t’a enrichi·e et on te dit à la semaine prochaine,

Julien, Juliette, Orianne, Thaïs, Tom et Valentin, aka le Point Q.

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