« Consommer du porno, je perçois désormais à quel point c’est politique »
Par Juliette
Marin, 23 ans, est journaliste. Iel est né dans un corps de femme, mais ne se définit aujourd’hui ni comme un homme, ni comme une femme. Dès l’âge de 12 ans, iel a découvert le porno… à la bibliothèque ! Voici ses premiers pas, et ce que lui inspire cet art, qu’iel continue à pratiquer chaque semaine !
Comment consommes-tu le porno ?
J’essaie principalement de regarder des sites féministes et queer, mais c’est assez récent. Principalement depuis le confinement, car j’ai eu beaucoup plus de temps pour regarder et pour chercher du porno éthique. Habituellement, j’en consomme deux ou trois fois par semaine, là c’était quatre ou cinq fois. J’ai fait ce changement pour essayer de me départir du sentiment de saleté que je pouvais avoir en regardant des pornos plus mainstream, comme YouPorn ou des caméras en ligne, comme Cam4. Les normes mises en places y sont très hétéro-patriarcales.
Depuis quand tu en consommes ?
J’ai commencé très tôt, à 12 ans. Une fois, je traînais au rayon BD de la bibliothèque municipale, et y avait un hentai qui traînait, oublié là par un adulte. (« hentai » signifie « pervers » en japonais et désigne un manga pornographique où des créatures ont des relations sexuelles avec des êtres humains). Il y avait une pleine page où une femme se faisait violer par un truc avec des tentacules. Je me souviens que j’avais été très perturbée par cela et très excitée à la fois. Ça m’avait beaucoup questionné sur mon rapport au corps et à la sexualité, naissante à l’époque.
Puis tu as expérimenté les cams en ligne ?
Oui, c’était des explorations très problématiques, quand tu y repenses. Je m’exhibais sur des chatroulettes ou des cams sans voir ma tête quand j’avais 14 ou 15 ans. Ça tombait sous le coup de la loi. En ce moment, je me demande ce que ça veut dire. À la fois sur l’environnement dans lequel j’ai baigné et sur le rapport à mon corps. Je me demande vraiment pourquoi j’ai fait ça et ce que ça signifiait pour les gens qui me regardaient.
Le porno et le sexe sont deux choses qui m’ont vraiment marqué dès la fin de mon enfance. J’ai eu envie très vite de découvrir plein de trucs et je pense que ça a participé à mon émancipation sexuelle et à ma sortie de l’hétérosexualité. Ça a vraiment été formateur, dans le bon sens du terme.
Quelles sensations ça te procure ?
C’est toujours un moment sympa. Il y a un petit côté rituel, je me mets tranquillement dans ma chambre, je prends les jouets dont j’ai envie. Ça me permet de penser à différents moments sexuels que j’ai vécu avec des gens, et du coup j’active mon imaginaire, je pense même à des choses à venir. Ça génère de la créativité en fait.
As-tu découvert des nouvelles formes de porno récemment ?
Je ne les ai pas découvertes, je savais qu’elles existaient. Mais durant le confinement je me suis abonnée à des OnlyFans queer par exemple, ou j’ai regardé des films disponibles gratuitement, sur la plateforme Aortafilms notamment. J’ai découvert que je pouvais aimer des trucs qui étaient complètement hors des normes imposées. Ce n’était pas quelque chose dont j’étais sûre car j’avais quand même grandi en regardant beaucoup de porno cisgenre et hétéro-normé.
Mon rapport au porno est très curieux, sans tabou, dans le sens où j’ai très envie de découvrir de nouvelles formes de porno, comme le « post-porn ». Je n’y connais pas grand chose, mais je perçois aujourd’hui à quel point c’est politique. Je ne le vois plus seulement comme une distraction mais comme une manière d’agir en consommant un certain type de contenu. C’est un peu comme faire attention à ce qu’on mange !
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