« Tu te poses la question : pourquoi je suis pas dans le délire ? »
Par Orianne
Savez-vous ce qu’est l’asexualité ? On vous a posé la question sur Instagram et 92 % d’entre vous ont répondu oui !
Plusieurs ont même donné leur vision et définition de l’asexualité, qui se complètent :
« C’est une personne qui ne ressent pas d’envie particulière pour engager un rapport sexuel avec sa/son/ses partenaires »
« Aucun désir/besoin d’avoir des relations sexuelles »
« Pas de besoin sexuel physique, ce qui n’empêche pas d’avoir des relations amoureuses »
Pour en parler ensemble, nous avons recueilli trois précieux témoignages, d’hommes et de femmes asexuel·le·s.
- Loïc* — 22 ans, asexuel, célibataire
« Pour moi, c’est le manque de désir sexuel. Je ne dirais pas que c’est une grosse souffrance, mais intérieurement c’est pénible. Tu es en soirée, au bar, quelqu’un te plaît, tu veux aller vers la personne, mais à chaque fois tu recules, car tu sais comment ça va finir.
C’est un ami qui m’a fait découvrir le terme “asexuel”. On discutait, et je lui ai dit que je n’avais jamais ressenti un vrai plaisir quand j’avais un rapport. Au contraire, ça me saoulait, je ne ressentais rien. Mon asexualité s’est confirmée quand j’ai eu une copine en terminale. J’ai fait l’amour une fois avec elle. C’était sa première fois. Elle était toute contente mais moi pas du tout. Je m’étais ennuyé. En fait, je me force à le faire et après j’ai juste envie de dormir. Le problème c’est quand tu es en couple, ta copine veut d’autres rapports et tu n’as pas envie… Je n’osais pas le dire.
Ce qui est dérangeant aussi, c’est quand tu es avec tes potes un peu beaufs… tu es là au milieu de tout ça et tu ne te sens pas concerné. Tu te poses la question : “Pourquoi je suis pas dans le délire ?” Lors de ces moments, je laissais dire, j’en rigolais, parce que je n’avais pas le choix. Maintenant, mes potes sont au courant. Certains m’ont dit d’aller voir un sexologue… C’est une orientation sexuelle selon moi, pas un blocage ou un problème à régler. Il faudrait que les gens acceptent ça. Actuellement, l’asexualité est encore perçue comme quelque chose de ridicule…
Pour moi, il y a une énorme différence entre le sexe et les sentiments amoureux. Les sentiments j’en ai, je ressens des choses. C’est quand il faut passer à l’acte que ce n’est pas possible. Ma limite s’arrête aux préliminaires. Les câlins et bisous sont OK, mais au-delà je ne peux pas. Je trouve ça dégueu. Le truc qui m’agace le plus, c’est quand on me dit que je n’ai pas trouvé la bonne personne. C’est faux. J’ai déjà été amoureux donc ça n’a aucun rapport. C’est marrant, mais depuis peu, j’ai l’impression de m’habituer au célibat. Ce qui est certain c’est que jamais je ne me forcerai à avoir des rapports. »
- Axel — 30 ans, demi-sexuel, célibataire
« Je viens tout juste d’avoir 30 ans. Il y a deux ans j’ai finalement compris, enfin conscientisé, que j’étais demi-sexuel. J’ai beaucoup évolué dans des milieux “alternatifs” (punk, anar, goth…) où la sexualité était prétendument très libre. Mais en fait, étant identifié comme un homme, cette liberté était surtout une sorte d’injonction à une hyper-consommation sexuelle. Pendant un bon moment, j’ai donc suivi le mouvement sans véritablement y trouver satisfaction, malgré la diversité des expériences.
Puis il y a deux ans, ça a été le déclic. J’ai compris que je ne cherchais pas le rapport charnel mais le réel moment de partage, l’intimité, la tendresse. Et ce n’est qu’à ce stade que le désir s’éveille chez moi, pas avant.
Maintenant que j’ai compris cela, je me sens bien plus épanoui, je n’ai aucun problème à en parler. Dans les faits, ça reste toujours un peu complexe, car même dans mes cercles d’ami·e·s qui travaillent à leur déconstruction, l’asexualité semble toujours être une sorte d’anomalie. Combien de fois puis-je encore entendre que ce n’est qu’une période, que je n’ai juste pas trouvé la bonne personne… Alors on prend son mal en patience et on réexplique, encore et encore.
Le plus offensant, quand j’ose en parler ouvertement, c’est lorsqu’on m’accuse de m’en servir pour séduire les femmes et justement pour obtenir des rapports sexuels. C’est un non-sens complet et c’est me prêter des intentions bien malveillantes. Pour moi, toute la séduction est une part primordiale de mon approche de la sexualité.
On me pose aussi souvent cette question : comment vit-on une relation avec une personne asexuelle quand on ne l’est pas soi-même ? Il n’y a pas de solution miracle, ça se discute et se construit. Pour ma part j’ai toujours été polyamoureux, non exclusif, et j’ai toujours laissé une totale liberté sexuelle et sentimentale à mes partenaires, pour que ce ne soit pas forcément une source de frustration. Mieux, il est assez génial de pouvoir échanger sur ses expériences avec d’autres partenaires, pour découvrir à chaque fois un peu mieux les plaisirs de son·a partenaire. »
- Rosalie — 32 ans, asexuelle, en couple
« Je suis asexuelle, gray-sexuelle et fray-sexuelle**. Ça veut dire qu’en début de relation je peux ressentir de l’attirance sexuelle, et qu’elle s’estompe au fur et à mesure que la relation avance. Mon envie, elle, peut augmenter malgré cette perte d’attirance sexuelle. Je suis asexuelle favorable à la sexualité.
Je ressens de l’attirance sexuelle au début, puis au bout de trois, quatre rapports, je n’ai plus d’attirance, ni de désir. Et pourtant je peux, quelques semaines plus tard, avoir une attirance sexuelle envers une autre personne. C’est là que c’est très bizarre. J’ai consulté un sexologue à un moment pour comprendre cette perte de désir. J’étais en couple à ce moment-là et on m’a dit : “C’est peut-être pas le bon.” Cette phrase, on l’entend souvent…
Ça a été très compliqué de savoir que j’étais asexuelle, parce que quand j’avais 17 ans j’ai subi un viol. Ça a vraiment brouillé les pistes concernant mon asexualité, tout simplement car je n’avais plus de désir sexuel. Puis je me suis rendue compte que je pouvais avoir des envies de sexe grâce à des caresses sur mon corps. Je me suis dit que mon corps, malgré mon traumatisme de viol, réagissait.
Je me suis renseignée et je suis tombée sur les termes d’asexualité, de grey-sexualité et de fray-sexualité. Quand j’ai découvert cela, j’étais très heureuse. Enfin, je trouvais des mots qui correspondaient à ce que je vivais. Je ne me sentais plus seule. Je me sentais appartenir à une communauté. Ça a été un soulagement pour moi de comprendre que j’étais asexuelle, ça a été un espoir.
Je suis sur des sites de rencontres actuellement, depuis que j’ai 24 ans. Maintenant je l’assume, c’est écrit sur mon profil Tinder. J’en parle tout de suite aux hommes, et je leur explique ce que ça veut dire pour moi. Maintenant, j’essaie de vivre ma sexualité de manière positive et joyeuse. »
* Le prénom a été modifié.
** Une personne grey-sexuelle (asexualité grise) peut ressentir de l’attirance sexuelle envers autrui, en début ou fin de relation. Une personne fray-sexuelle peut ressentir de l’attirance sexuelle au début de la relation mais elle s’amenuise au fur et mesure, tandis que l’affection et l’amour se développent.
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