« J’ai l’impression d’être victime de mon corps »
Par Thaïs
Manon (23 ans), Julia (25) et Morgane (27) sont hétérosexuelles et en couple, et toutes concernées par l’endométriose.
Dans leurs échanges avec Le Point Q, toutes les trois ont insisté sur le fait que chaque endométriose peut-être vécue différemment, au niveau des symptômes et du ressenti.
Comment as-tu appris que tu avais l’endométriose ?
Manon : « L’année dernière, pour la première fois, j’ai eu mal pendant un rapport. C’était une grosse douleur, comme deux coups de couteau, qui ne passait pas. C’était une première alors que je suis avec mon copain depuis 4 ans. Comme on était confiné, j’avais le temps de penser à moi, et après des saignements anormaux, j’ai fait une batterie de tests dont une échographie. La gynécologue, en visio, m’a confirmé que j’avais bien de l’endométriose. D’avoir été diagnostiquée, de mettre un mot dessus, ça m’a beaucoup soulagée, je me suis dit que je n’étais pas folle quoi. Avant le diagnostic les gens ne te comprennent pas, on pense que tu exagères, pour louper les cours de sport au collège par exemple. »
Julia : « Je l’ai su assez tôt, car j’ai eu mal dès mes premiers rapports. À 19 ans ma gynécologue m’a fait faire une échographie et j’étais diagnostiquée. De mon côté, ça se manifeste par une vive douleur à l’ovaire gauche, comme un point de côté, et ça durait parfois même une semaine après le rapport. Avant de savoir, j’avais toujours super peur, je croyais être enceinte ou que j’avais des MST, je faisais vraiment tous les tests possibles. »
Morgane : « J’ai toujours eu de très fortes douleurs quand j’avais mes règles, mais bon on entend toujours le fameux “c’est normal”, “toutes les filles ont mal”, donc je ne me suis pas posé trop de questions. Jusqu’au moment où ça a commencé à plus m’handicaper, au point de faire des malaises vagaux pendant mes règles. Pour l’instant, j’ai eu plusieurs diagnostics à l’oral, mais je dois encore faire une IRM du bassin. Si j’appréhende un peu, j’ai hâte de pouvoir réellement avoir une réponse. Comme si ça me donnait une “légitimité à avoir mal” face à toutes ces contraintes sociales, comme au travail, où on te fait sentir que tu “en fais des caisses”. Même si sans cette maladie, on peut aussi avoir des règles très douloureuses sans avoir à se justifier. »
Comment cette maladie affecte ton rapport à ton corps et à ta sexualité ?
Manon : « Moi, comme j’ai été diagnostiquée après un rapport sexuel douloureux, j’ai cette association entre les deux en tête, même si je n’ai plus eu cette douleur pendant un rapport. Donc, parfois je vais être moins épanouie, et je pense que ça va prendre du temps avant de penser à autre chose. Mais heureusement mon partenaire est vraiment à l’écoute. »
Julia : « J’ai l’impression que je ne contrôle rien, que je suis victime de mon corps. Par exemple quand je suis de bonne humeur en soirée et que d’un coup j’ai mes règles, c’est fini : j’ai vraiment l’impression de me faire manipuler par mon propre corps. Et surtout de ne pas me faire comprendre par les autres, les gens vont se dire que “je fais des caprices”. Même si la maladie commence à être connue, elle ne l’est pas encore de façon tout à fait légitime.
Jusqu’à ce qu’on me diagnostique je n’avais aucun plaisir sexuellement. Et je pensais que c’était de ma faute, que c’était moi qui étais mal à l’aise. Aujourd’hui, je n’ai plus mal parce que j’ai un traitement, qui pour moi prend la forme d’une pilule en continu. Mon partenaire est compréhensif. Mais les mecs que je fréquentais avant, je ne leur en parlais pas : je n’allais pas leur dire que je ne kiffais pas avec eux quoi. »
Morgane : « Je n’ai jamais eu de douleur associée à la maladie pendant un rapport. Mais j’ai tous ces syndromes post-menstruels très fort : jambes fragiles, gonflements, et surtout une fatigue constante. À chaque période de règles, c’est comme si une machine énorme se mettait en route pour m’épuiser. C’est plutôt handicapant à ce niveau-là, mais mon partenaire est très attentif. J’ai d’ailleurs mis du temps avant d’en faire une question de couple, je ne le vivais que pour moi. »
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