Vu d’ailleurs

Par Tom

L’histoire obscure du vibromasseur : entre Cléopâtre et hystérie

Le premier vibromasseur de l’histoire aurait été inventé en l’an 40 avant notre ère par ni plus ni moins que… Cléopâtre, qui aurait utilisé pour son plaisir personnel un rouleau de papyrus dans lequel étaient enfermées des abeilles. Mais il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que le premier vibromasseur moderne soit conçu par un certain Joseph Mortimer Granville.

Ce médecin britannique n’avait pourtant pas le plaisir féminin en tête quand il déposa le brevet du « marteau de Granville », un « percuteur mécanique à ressort » destiné à soulager par le massage les douleurs musculaires ou la constipation. Mais son invention fut déviée de son usage initial quand certains médecins l’utilisèrent pour « soigner » par la masturbation des patientes atteintes d’hystérie.

Toute sa vie, Granville s’opposera à une telle utilisation de son appareil. Dans un de ses livres, il écrit : « J’ai toujours évité, et j’éviterai toujours de traiter les femmes par percussion, simplement parce que je ne souhaite pas être trompé par les contradictions de l’état hystérique. » Il faut dire que l’hystérie féminine, considérée comme une maladie mentale jusqu’en 1952, était en réalité un diagnostic « fourre-tout » recouvrant de nombreuses pathologies réelles (épilepsie, troubles de la personnalité…) ou fantasmées (désir sexuel « excessif »…), souvent liées à une sexualité féminine encore très réprimée.

Pourtant, ces deux histoires — celle selon laquelle le vibromasseur de Granville aurait servi à soigner l’hystérie, et le godemichet bourdonnant de Cléopâtre —, pourraient n’être que des mythes. Popularisée par l’historienne Rachel Maines dans son ouvrage de 1999 The Technology of Orgasm: Hysteria, the Vibrator, and Women’s Sexual Satisfaction, cette théorie concernant Granville est en tout cas remise en cause par de nombreux historiens depuis, qui pointent le manque de sources attestant de telles pratiques.

Ce qui est certain, c’est qu’à partir des années 1920 le vibromasseur électrique portatif s’installe dans les foyers, à grand renfort de réclames vantant les mérites de l’appareil pour se masser le front ou la nuque — même s’il ne fait aucun doute que certaines femmes l’aient utilisé pour masser d’autres endroits. Avec la révolution sexuelle des années 1960, le vibromasseur ne cache plus son usage réel, et continuera à être amélioré jusqu’à aujourd’hui.

Si cette vraie-fausse histoire des origines du vibromasseur vous intéresse ou vous amuse, je vous conseille la comédie romantique Oh My God ! (Hysteria dans son titre original, sortie en 2011). Prenant encore plus ses distances avec la réalité historique — puisqu’il fait de Mortimer Granville un jeune médecin « soignant » les femmes hystériques et inventant l’appareil pour soulager les crampes de ses propres doigts — le film n’en est pas moins très drôle et aborde avec une certaine justesse (et beaucoup d’humour) la condition des femmes dans l’Angleterre victorienne. Car parfois, comme avec Cléopâtre, le mythe est tout simplement plus amusant que la vérité…

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